Pierre André de Suffren de Saint-Tropez n’est pas un des ineffables gendarmes qui ont fait les choux gras d’un certain cinéma français. Né dans une famille noble provençale, Suffren monte les échelons tant dans la marine royale (jusqu’au grade de vice-amiral) que dans l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem (il en deviendra le bailli).
Le duc de Choiseul, dans les années 1760, entreprend, entre autres tâches, la modernisation de la marine royale, dont il pressent qu’elle peut être un atout pour prendre, un jour, une revanche sur l’Angleterre, après la désastreuse défaite française dans la guerre de Sept Ans.
Suffren, lui, sert en Méditerranée, notamment contre les pirates et corsaires de Salé, ou, en congé de la marine française, sur les galères de Malte. Puis vient le temps de la guerre américaine, sous les ordres de l’amiral d’Estaing, sans résultat vraiment décisif.
C’est l’année 1781 qui marque le tournant pour Suffren, qui se voit confier le commandement d’une division de 6 vaisseaux. Oh, alors que la guerre d’indépendance américaine bat son plein, la mission de Suffren peut sembler anecdotique, puisqu’elle doit le mener bien loin du terrain d’opération majeur : appareillant de Brest en avril 1781, il doit aller écarter la menace de la Royal Navy de la colonie hollandaise du Cap, au sud de l’Afrique, avant de se rendre dans l’océan Indien pour y jouer un rôle encore mal défini.
En route vers le Cap, Suffren surprend le 16 avril 1781, au mouillage à Porto Praya dans l’archipel du Cap-Vert, une flotte anglaise de navires marchands accompagnés de vaisseaux de guerre. Après une violente canonnade, il ne peut toutefois pas remporter une victoire décisive, et poursuit son chemin. Au Cap, la population hollandaise se révèle plus anglophile que francophile, mais Suffren arrive à éloigner les navires de l’amiral Johnstone, cette même escadre qu’il avait en partie étrillée à Porto Praya.
Après son arrivée à Madras, en février 1782, il prend son service sous les ordres de l’amiral Thomas d’Orves, qui a le bon goût de trépasser peu après, laissant donc le commandement en chef à Suffren. Celui-ci va, jusqu’à la fin de 1783, mener un jeu de chat et de souris avec les forces anglaises de l’amiral Edward Hugues. Leur « duel » verra des batailles tant navales que terrestres, certaines sanglantes, la plupart indécises, aucun des deux n’arrivant à anéantir son adversaire (Suffren étant, en cela, particulièrement desservi par des crises avec ses subordonnés).
L’Histoire retiendra pourtant que cette épopée du bailli de Suffren aux Indes a été l’un des moments les plus glorieux de la marine française de cette fin du temps des Lumières. Même les Anglais, pourtant avares de compliments sur les marins français de cette époque-là, voient en lui un grand amiral, qu’ils ont même surnommé « l’amiral Satan ».
Malgré la défaite en Amérique du Nord, le sous-continent indien restera aux mains des Anglais. Et Suffren, rentré en France, mourra quelques années plus tard, perclus d’obésité et de dettes.
Malgré la défaite en Amérique du Nord, le sous-continent indien restera aux mains des Anglais. Et Suffren, rentré en France, mourra quelques années plus tard, perclus d’obésité et de dettes.
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