J’ouvre ce premier article sur le traitement cinématographique* des pandores au XVIIIe par un titre en hommage à Junior Murvin, le Farinelli du reggae**. Quoi de mieux en effet qu’un morceau critiquant la violence des criminels et des forces de l’ordre pour évoquer City of Vice, une mini-série anglaise riche en pistolets, perruques poudrées, petites pépées et policiers.
Dès qu’il s’agit de rosser les cognes, tout le monde se réconcilie
Ces 5 épisodes narrent la manière dont les magistrats Henry et John Fielding (le premier auteur de Tom Jones)
crééent les Bow Street Runners, une proto police londonnienne en 1749.
Sans doute pour ne pas trop perdre un chaland habitué au format des
séries américaines contemporaines, on tente ici aussi de résoudre une
affaire par épisode, avec enquête, poursuite, interrogatoire et
résolution avant le générique. Mais le propos va plus loin. L’opposition
-parfois musclée- à l’initiative des Fielding ne vient pas seulement
des malfaiteurs (maquereaux pédophiles, gangs de braqueurs
tortionnaires etc) mais aussi d’éminents membres de la chambre des
Lords, qui hurlent au gaspillage d’argent public et à l’atteinte aux
libertés individuelles. Et ce côté “on essuie les plâtres” est une des
grandes forces de la série. Les Bow Street Runners n’arrivent pas en
terrain conquis, s’interrogent sur la meilleure d’aborder une scène de
crime, peinent à obtenir des informations... et donc vont parfois
jusqu’à la torture. Certains y verront un attachement à la réalité
historique, d’autres une opération séduction envers un jeune public plus
élevé à 24 ou The Shield qu’à Navarro. Une chose est sûre: dans City of Vice, pas de chevaliers blancs mais de nombreuses nuances de gris sale.
Channel 4 n’a pas d'argent, mais elle a des idées
La
série n’est pas exempte de défauts, le principal étant un budget
manifestement limité. Mais là où la production française des aventures
de Nicolas Le Floch (on en reparlera) tente à tout prix de “faire riche”, City of Vice
compense son manque de moyens en redoublant de créativité. Impossible
de se payer des plans larges en image de synthèse détaillant le Londres
du XVIIIe? Soit, la caméra se déplace donc sur un plan historique de la
ville, en noir et blanc, qui passe en 3D quand on plonge au niveau de la
rue. Le plan-relief numérique, il fallait y penser! Pas d’argent pour
louer ou reconstituer un salon d’époque? Soit, les intérieurs seront peu
éclairés et filmés en plan rapproché, accentuant le côté sombre et
étouffant des scènes de violence.
Tout n’est pas que noirceur, l’humour est présent et les acteurs ont
parfois tendance à cabotiner, comme Ian Mc Darmid (le sénateur Palpatine
pour les fans de Star Wars) en chef vieillissant, sûr de son bon droit
et légèrement porté sur la bouteille. Le traitement des personnages
secondaires est un peu léger et tous les membres de l'équipe auraient
bénéficié de plus de développement dans des épisodes supplémentaires,
afin de ne pas les limiter à leur roles de -très efficaces- “gueules” ou
de clichés.
Je ne sais pas si l’audience a été au rendez-vous en 2008, et City of Vice n’est plus édité, mais ce DVD en VO non sous-titrée est toujours disponible en import sur Amazon. Si comme moi vous aimez les histoires de flics en tricornes qui ne lorgnent pas du côté de Fanfan la Tulipe, cédez à la tentation.
* oui plutôt télévisuel, mais je n’allais pas me priver d’une référence de plus dans le titre
** oui, c’était du falsetto, pas un castrat. Et oui, vous connaissez sans doute une version des Clash. Qui n’est pas mauvaise d’ailleurs, mais bon, un peu de licence bloggesque, que diable!